Visions multidimensionnelles

SADT - Duchamp - Matta

 

 

 


 

 


 



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Introduction

Le propos de ce petit texte est de contribuer à mettre en évidence la troublante unité de fonctionnement de l'esprit humain dans ses oeuvres les plus étonnantes et les plus mystérieuses, à savoir créatives.

Fidèle à cette merveilleuse méthode du mélange des genres qui s'appelle surréalisme, j'entends que les pages qui suivent paraissent incompréhensibles et/ou du dernier mauvais goût à tous les sacristains de la pensée et plus particulièrement aux tenants de l'esprit de clocher des Beaux Arts et à leurs fins homologues de l'esprit de clocher des Sciences, par l'action conjuguée desquels le monde a pu devenir et demeurer l'épopée déchirée et nauséabonde qu'on sait.

Ainsi donc - chose qui risque ces temps-ci de paraître bien plus incongrue que de montrer son cul - je propose dans les quelques pages qui suivent d'établir un rapprochement entre une méthode d'ingénierie d'une part, et les démarches intellectuelles de l'un des plus remarquables initiateurs de l'art moderne et d'un autre surréaliste et peintre connu d'autre part.

La bibliographie sur laquelle je m'appuie est d'une grande simplicité puisqu'elle se réduit à trois ouvrages : l'appendice du livre de Michel Lissandre consacré à la méthode SADT, appendice écrit par le créateur de la méthode, qui y explique comment et pourquoi cette méthode fonctionne, "La Mariée mise à nu chez Marcel Duchamp même" de Arturo Schwarz pour tout ce qui concerne Duchamp, et le Catalogue de l'exposition Matta de 1985 au Centre Pompidou pour ce qui touche à Matta.

La totalité de l'inconographie directement accessible relative à Matta que j'ai utilisée est constituée de liens hypertexte vers www.matta-art.com et l'oeuvre de Matta est le plus souvent si explicite et si riche qu'elle permet presque de se passer de mots.

Tel n'est pas exactement le cas pour Duchamp dont l'oeuvre comme on sait appartient davantage au domaine de l'intelligible qu'à celui du rétinien, même télévisuel, et qui n'est ordinairement intelligible qu'à ceux qui veulent bien payer un peu de leur personne.

On trouvera au bas de ces pages quelques liens et la modestie d'usage ne m'empêche pas d'en mentionner quelques autres

Enfin il me faut signaler qu'un article assez récent de la revue Pour La Science mentionne l'intérêt de Salvador Dali pour les aspects multidimensionnels de la peinture, intérêt où l'auteur suggère de voir l'influence de Marcel Duchamp.



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Au Foyer de SADT


La méthode SADT est une méthode d'analyse destinée à permettre à des ingénieurs d'élaborer les spécifications d'un système entièrement nouveau, c'est à dire un système que nul n'a  jamais vu, ni même à proprement parler, conçu.

Le problème est donc de rassembler suffisamment d'informations pour construire l'obscur objet du désir. Il faut par conséquent accumuler beaucoup plus de données qu'on n'en obtiendrait si on pouvait voir le dit objet pour de bon, puisqu'alors certaines parties éventuellement essentielles du système resteraient cachées aux spectateurs. Dans le cas d'un système principalement logiciel, la chose est encore bien plus épineuse, puisque le logiciel, comme on sait, ne se voit pas.

SADT constitue donc en quelque sorte, une méthode de vision étendue.

Les fureurs de l'esprit - Matta - 1957

D'un point de vue procédural, la méthode SADT se fonde sur la pratique d'interviews et l'itération de cycles auteur-lecteurs au cours desquels, l'auteur (qui peut et le plus souvent doit être un collectif) :
- écrit ce qu'il croit savoir à un moment donné du système à construire,
- puis fait relire et critiquer son travail par les lecteurs,
- intègre ensuite ce qu'il a compris de leurs remarques dans une nouvelle version du texte,
et ainsi, jusqu'à ce que tous soient convaincus que l'essentiel a été dit.

SADT est donc aussi une méthode d'écriture collective.

Si l'on additionne les deux caractéristiques de méthode de vision étendue et de méthode d'écriture collective, on voit que l'on n'est pas très loin de ce que les surréalistes ont pu pratiquer en termes de jeux, graphiques, textuels ou autres.

Du point de vue des principes mis en oeuvre, l'instigateur de la méthode explique dans la postface du livre de Michel Lissandre pourquoi l'approche utilisée "marche". Par "marche", il faut entendre "marche presque à tous coups" puisqu'en matière technique, rien n'est jamais sûr que la pratique n'ait concrètement prouvé (y compris que ça ne marche pas).

L'inventeur de SADT explique que chacun des acteurs dans le cours de la mise en oeuvre de la méthode parle du système à élaborer selon son point de vue particulier, et que la procédure mise en oeuvre dans SADT finit par contraindre chacun de ces points de vues individuels à s'assembler de manière cohérente avec les autres points de vues en présence, de sorte que que le système finit par apparaître à tous les participants avec le degré de précision suffisant au point focal vers lequel finissent par converger toutes les visions.

On voit que cette méthode n'est pas non plus très éloignée de l'approche cubiste. Chaque point de vue singulier constribue ainsi à illuminer un des aspects - visuel ou pas - d'un objet non existant mais à naître, objet qui est à cet moment aussi virtuel que l'on voudra, puisqu'il reste non seulement à construire ou à simuler, mais à penser même.

A la fin du processus, l'objet désiré finit généralement par émerger d'une manière assez nette pour que chacun s'accorde à considérer que oui, c'est bien de ceci qu'il s'agit. Le ceci en question se trouvant alors suffisamment délimité pour finir par constituer la matière d'un engagement formel des parties en présence, autrement dit, dans le cadre du monde industriel, d'un contrat.

Ce qui s'est trouvé ainsi progressivement révélé, ce sont les différentes dimensions de l'objet, et c'est pourquoi j'ai parlé de méthode de vision étendue tout à l'heure.

Et quoique cela puisse éventuellement paraître "évident" à certains esprits peu curieux, il y a tout de même lieu de s'étonner un peu qu'une simple méthode puisse faire en quelque sorte "apparaître" un objet si entièrement et souvent si radicalement nouveau que nul ne sait même - à priori - s'il sera un jour possible de le construire.

Il en va en l'espèce et très exactement de la très surprenante puissance du langage humain dans le monde, puissance qui agit ici à un degré beaucoup plus profond et fondamental que la pourtant déraisonnable exactitude des mathématiques dont on  s'étonne souvent si facilement, puisque ce qui est en question ici, c'est bien la création ex-nihilo d'un objet d'efficacité concrète et non pas simplement l'exactitude d'une abstraction ou - dit-on - d'une idée platonicienne.

D'un autre côté, il est amusant d'imaginer que si les participants étaient soudain rassemblés et transportés par exemple par le biais d'un peu de magie dans une pièce sombre aux abords d'un guéridon, on pourrait au fond songer qu'il cherchent à invoquer quelque esprit au moyen de méthodes spirites. Ou encore, et de manière plus adéquate sans doute, on ne peut s'empêcher de songer à ces aborigènes australiens qui se réunissent sous l'arbre dédié à cet effet pour rêver leurs enfants.



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Duchamp - Les Neuf Tirés



A l'intérieur du Grand Verre, qui constitue l'oeuvre fondamentale de Marcel Duchamp, les Neufs Tirés sont situés dans la partie nord-est du Domaine de la Mariée. Quant au propos de ce texte, leur principal intérêt est de révéler la profondeur de pensée que Duchamp avait atteinte quant au concept de dimension.

La Presse et les Arts ont pris l'habitude de faire un argent facile en exploitant des sujets tels que la quatrième dimension, de sorte qu'il est devenu clair et admis par tous que le monde "a" trois ou quatre dimensions et pas davantage, le temps se trouvant étrangement être la dernière dimension prise en compte, comme s'il avait fallu aux mortels attendre le 20 ième siècle pour accepter que le temps puisse être de quelque intérêt dans la description du monde.

Pourtant, assez curieusement, malgré les développements récents relatifs au concept de fractales introduit par Benoit Mandelbrot, et en dépit de la remarquable popularité des fractales elles-mêmes, l'idée que des objets puissent être de dimension non nécessairement entière mais éventuellement fractionnaire ou même irrationnelle, ne semble pas remporter un succès équivalent à l'idée de quatrième dimension.

Cependant, l'approche utilisée par Duchamp dans Les Neufs Tirés montre que vers 1920, Duchamp était tout à fait conscient de la part de convention sur laquelle se fonde le concept de dimension.

Ouvre l'instant - Matta 1977
Après s'être consacré un moment à une des études du temps les plus minutieuse qui ait eu cours en peinture, Duchamp s'était mis en devoir de visualiser des dimensions possibles, mais auquelles personne ne songe ordinairement. Pour cela - mais il faut dire aussi cela devient tentant un jour où l'autre lorsqu'on emploie un matériau comme le verre - il lui vint l'idée de peindre au canon.
Arturo Schwartz décrit ainsi comment cela est arrivé :

"Cette zone, qu'on appelle "Les Neufs Tirés" est percée de neuf trous. Duchamp fournit davantage d'explications dans les notes 83, 84 et 85. Afin de mettre en oeuvre les idées contenues dans ces notes, Duchamp prit une allumette avec un petit peu de peinture fraîche au bout, et visa une cible avec un petit canon pour enfant ("plus imparfait est l'instrument et mieux on mesure l'adresse" à partir de trois différent points. Cette opération fut répétée neufs fois. Trois fois par trois fois à partir du même point.". A chaque impact, l'allumette laissait une petite trace de peinture, et en ces neufs  points on perça un trou dans le Verre. "La figure résultante sera la projection (selon la dimension d'adresse) des principaux points d'un corps tridimensionnel. Avec une adresse maximum, cette projection serait réduite à un seul point, la cible. Avec une adresse ordinaire, cette projection sera une démultiplication de la cible. (Chacun des neufs points - images de la cible - aura une mesure de distance. Cette distance n'est rien d'autre qu'un enregistrement qui peut être noté conventionnellement...) En général, la figure résultante est l'applatissement visible (capturé dans l'action) du corps démultiplié tandis que la cible est un équivalent du point de fuite (en perspective)"".  

L'objectif de Duchamp apparaît donc clairement d'introduire et de représenter une dimension supplémentaire - dans ce cas précis, l'adresse - et d'explorer les concepts associés quant à la perspective. Ce que Duchamp montre en particulier ici, c'est que le concept de dimension est tout sauf ontologique. Il ne s'agit en fait que l'un des éléments d'une métaphore, une des caractéristiques d'un modèle.

En choisissant un aspect du monde qui n'est pas couvert par la Physique - et il intéressant de noter qu'aujourd'hui encore, il n'existe pas d'explication satisfaisante de l'adresse ni en Physique ni en Mathématiques - Duchamp rend évident que la construction d'un modèle et le choix de ses composantes sont contraints par ceux des aspects particuliers du monde que l'on décide de considérer.

Ainsi, dès lors que l'adresse intervient dans le champ d'une étude, on peut être amené très naturellement à ajouter une dimension particulière à un modèle afin de représenter les variations de ce paramètre, puisque le concept de dimension n'est après tout rien d'autre que la représentation d'une mesure. L'introduction d'une dimension supplémentaire est à son tour susceptible de provoquer une modification de la représentation et de la perception des objets usuels et du monde lui même.

Le choix de l'adresse comme dimension additionnelle et du tir au canon comme révélateur n'est d'ailleurs pas absolument arbitraire, mais pourrait-on dire, plutôt éducatif dans son incongruité même. L'un et l'autre tendent à montrer que l'introduction d'un concept tel que celui de dimension s'inscrit dans un projet, ou pour mieux dire, dans une vision certes, mais en quelque sorte, un projet et une vision aussi arbitraires qu'on veut. On voit immédiatement le lien qui unit ce type de réflexions à l'idée de Read-Made qui elle aussi ne manifeste rien d'autre que la décision pure de l'artiste de considérer ou non, tel ou tel objet comme un objet d'art.
Ainsi, la remarque suivante de Lebel, relative aux "Stoppages-Etalons", s'applique tout aussi bien aux "Neuf Tirés": "Duchamp nous donne quelques indices quant à ses intentions , parce qu'ici, à nouveau, sous les apparences d'une entreprise difficile quelque chose prend forme qui est de l'ordre d'une offensive contre la réalité logique.  L'attitude de Duchamp est toujours caractérisée par le refus de se soumettre aux principes du réalisme commun et si ce refus est exprimée au moyen d'une sorte de moquerie, la révolte n'en est que renforcée parce qu'elle tire après elle dans l'incertitude du ridicule des vérités qu'il était auparavant impossible de critiquer sans être considéré comme fou. La méthode de Duchamp, sous son apparente désinvolture s'avère subtilement machiavelique. En opposant des lois teintées d'humour aux lois soi-disant sérieuses, il jette un doute sur la validité absolue de ces dernières. Il les pousse doucement vers l'approximatif où elles construisent un système dont l'architecture peut apparaître claire à tous."
Et il apparaît donc que ce qui se trouve - non pas représenté, mais - désigné, ce n'est plus du tout de la physique amusante, ce n'est même plus "un monde qui serait possible en affaiblissant un peu les lois de la Physique".  Ce qui est dit à voix haure, ou plutôt ce qui peut être montré du doigt dans le Grand Verre, c'est que les caractéristiques sur lesquelles notre vision est construite pourraient bien se trouver fondées sur des bases arbitraires.

Dès lors que le doute est jeté sur la nature absolue des fondations de la vision, un projet s'ouvre, comme une liberté neuve et souveraine, le projet fantastique et proprement inouï où se mêlent le désir et le plaisir de changer, de révolutionner ces fondations. C'est à ce projet que Duchamp aura oeuvré toute sa vie avec une constance et une cohérence proprement remarquables.


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Plongements



Qu'arrive-t-il aux Neufs Tirés lorsqu'on les transpose dans des espaces ayant un nombre supérieur de dimensions? Si on pose que les Neufs Tirés sont une expérience relative à la dimension 0 puisque la cible visée par le canon est en fait un point, c'est à dire un objet sans longueur, largeur, ni hauteur, et puis si l'on examine le Grand Verre dans son ensemble, on fnit par s'apercevoir que Duchamp a pris la peine de nous faire partager l'expérience du passage des Neufs Tirés en dimension un et en dimension deux (au moins).

Les Stoppages étalon constituent la transposition des Neufs Tirés en dimension 1 et les Pistons de courant d'air aussi appelés Voile Acté (Voie Lactée) sont la transposition des Neuf Tirés en dimension 2. J'avoue m'être senti un peu éberlué lorsque je me suis rendu compte de cette correspondance et même avoir douté un peu de moi-même jusqu'à ce que je découvre dans un coin obscur du livre de A. Schwartz que quelques autres au moins avaient souffert avant moi de la même berlue : "Richard a établi un parallèle intéressant entre les 3 Stoppages étalon et les deux autres éléments en question: "les Tirés... sont des déviations d'un point - la cible. Les 3 Stoppages-étalon... sont des modifications d'une ligne. Les formes des Pistons de courant d'air... des changements opérés dans un plan"". [R.H.][ in A.S.  P 154]


Passons pour l'instant sur les détails... Il reste qu'en augmentant lentement le nombre de dimensions considérées, Duchamp introduit également un autre changement de perspective étonnant dans une démarche dont je ne m'étais pas encore récemment trouvé en mesure de m'expliquer le mouvement, même si je croyais avoir bien compris ce qui se passe dans la suite.

Dans les Neuf Tirés, Duchamp indique qu'il s'intéresse à l'adresse, c'est à dire en somme à la mesure de l'intentionnalité humaine. C'est cela qui se trouve enregistré à cet endroit dans le Grand Verre. Dans les trois Stoppages-étalon, il enregistre au contraire le hasard de la chute de trois segments de fil de un mètre tombant d'une hauteur de un mètre. De même, dans les Pistons de courant d'air, il fixe au moyen de la photographie ce qui résulte de l'action du hasard sur un quadrillage de tissu (gaze)  placé devant une fenêtre et agité par le vent.

Pourquoi diable Duchamp passe-t-il ainsi subrepticement d'une mesure de l'intentionnalité humaine en dimension 0 à des mesures de son contraire, de son opposé, de son complémentaire, en d'autre termes du hasard dans les dimensions supérieures ? Il y a une dizaine d'années, lorsque j'ai commencé ce texte (1997)  je me désolais de n'avoir pu suivre ici le fil de sa pensée. Pourtant sachant que Duchamp fut un passionné d'échecs - jeu déterministe par excellence - mais qu'il s'intéressa aussi à la roulette - jeu probabiliste par excellence - on pouvait augurer que ce basculement devait avoir un sens. Un sens qui devait se trouver fortement lié aux efforts que Duchamp a toujours fait pour atteindre à l'indifférence.

Comme on l'a vu, la dimension d'adresse est pour Duchamp destinée à révéler la nature conventionnelle du concept de dimension. Cependant, le négatif de l'adresse - et Duchamp le sait bien - c'est très justement le hasard. L'adresse est en somme une sorte de mixture de déterminisme (l'intentionalité sans laquelle l'adresse n'est pas définie) et de hasard sans lequel elle n'a pas de sens non plus. Mais le concept d'adresse lui même, repose sur une convention. On ne peut en juger que par rapport à l'objet à atteindre. Qui lui même est aléatoire et même doit l'être si l'on veut mesurer non pas une adresse relative à quelque chose, mais l'adresse dans l'absolu c'est à dire indépendamment d'un but quelconque. 

L'espace du dé - Matta 1999

Si l'on résume le mouvement, on voit que Duchamp nous désigne le concept de dimension comme convention à l'aide... D'une convention qu'il a au préalable épurée au maximum. Or que reste-t-il d'une convention épurée au maximum ? En première approximation, il n'en reste apparemment pas grand'chose d'autre que du hasard. Et en seconde approximation, peut-être pas parce que tout de même, tout au fond, il reste quelque chose de l'ordre d'un choix absolu. Celui là même qui constitue le Ready-Made.

Par ailleurs il faut noter que tout ceci se trouve exprimé quant à la dimension 0 et qu'en dimension 0, le nombre de degrés de liberté est nul. Si l'on augmente le nombre de dimensions, le nombre de degrés de liberté augmente également. Il y a donc lieu de penser que l'adresse s'en trouve bien malade, en ce sens que la part de déterminisme qui la constitue diminue.

Face à face de l'intelligence et du hasard - Matta 1986

D'où les conclusions de Duchamp à la fois quant à la valeur du choix absolu qui est le Ready-Made et quant à la nécessité d'une attitude d'indifférence.

Si maintenant, passant outre à ce qui m'apparaissait voici 10 ans comme une temporaire impasse, on poursuit le mouvement de Duchamp vers des espaces dont le nombre de dimensions est de plus en plus grand, on voit survenir un autre basculement de perspective.

Strange situation (cube ouvert) - Matta 1947

A force d'ouvrir l'espace du peintre vers l'infini, à force par conséquent de considérer des oeuvres d'un nombre de dimensions de plus en plus grand, il arrive un moment où l'auteur de l'oeuvre finira par se retrouver... dedans ! Et le spectateur aussi, évidemment.

Abrir el cubo y encontrar la vida - Matta 1969

De là tous ces schémas préparatoires jouant sur la dualité intérieur/extérieur qui précèdent l'irruption de Etant donnés... la glorieuse approximation démontable de Philadelphie... Ces exercices sont faciles à repérer dans l'oeuvre de Duchamp, mais il n'est pas si simple de comprendre à quoi ils correspondent et pourquoi ils apparaissent précisément à ce moment de la dialectique qui parcourt sa pensée. Pourtant, dès que l'on suit en soi même la course aux dimensions à laquelle nous invite le Grand Verre, on voit très bien que Duchamp doit en venir à rechercher comment une création et une vision externe de l'oeuvre se transforment (basculent) en création et vision internes lorsque le nombre de dimensions augmente. D'où ce questionnement sur l'inérieur et l'extérieur que l'on peut lire au travers de  Objet-dard, Coin de chasteté, Feuille de vigne femelle et de quelques autres études préparatoires à peine moins évidentes dont en particulier les divers montages liés aux expositions surréalistes et l'illustration réalisée pour le livre Face cachée du dé.

Or dès que le créateur et le spectateur se trouvent ainsi jetés à l'intérieur de l'oeuvre, projections pour ainsi dire de "quelque chose" de dimension supérieure qui est ou qui contient l'oeuvre, une question parfaitement incontournable se pose à savoir : qu'est-ce qu'ils font là ?

C'est la question que pose Duchamp dans Etant donnés....en toute netteté, en toute immédiateté. Question éthique. Question donc où l'on renoue avec l'intentionalité mise en jeu dans Les Neufs Tirés. Question aussi qui constitue comme une sorte de retournement de celle qui se trouvait subrepticement posée dans Jeune home triste dans un train où Duchamp et le spectateur (l'un et l'autre étant le jeune homme triste) se regardent traverser l'oeuvre qui bien que de dimension deux, baille littéralement sur des espaces et des oeuvres d'ordre plus élevé qui au bout du compte  finissent par engloutir le peintre, le spectateur et une sorte de projection bidimenssionnelle ou tridimensionnelle de l'oeuvre véritable - le tableau ou d'autre fois le musée lui même - projection qui constitue l'indice ou le signe de l'oeuvre véritable, l'ancre de cette oeuvre dans les basses dimenions.

Et c'est donc ainsi, dans le droit fil de sa réflexion sur une peinture multi-dimensionnelle que l'éthique fait irruption dans la pensée de Duchamp qui fut autrement tout sauf un moraliste et qui cultivait si consciencieusement l'indifférence, particulièrement dans le choix de ses ready-mades, qu'il faut bien s'attendre à ce que son éthique soit d'une nature assez particulière. Et c'est pourquoi je soupçonne que le passage de l'intentionnalité au hasard qui se produit entre les Neuf Tirés et les Stoppages-étalon est un des moments critiques dans le mouvement de la pensée de Duchamp. 

Il est intéressant de noter que ce basculement semble simultanément géométrique et probabiliste. Est-ce cohérent ? Peut-être ou peut-être pas, si l'on se souvient que la géometrie euclidienne est décidable (Tarski), ce dont l'intuition avait conduit David Hilbert - qui avait axiomatisé et formalisé la géométrie euclienne - a penser que les mathématiques dans leur ensemble pouvaient l'être aussi, hypothèse dont Kurt Gödel et Alan Turing ont montré qu'elle était inexacte, résultat plus récemment enrichi par exemple par G. Chaitin.

Quant au fait que cette irruption de l'éthique dont Etant donnés... constitue à la fois le témoignage et l'aboutissement final ait été fondamentale dans l'oeuvre et la vie de Duchamp, il suffit de se souvenir qu'il a fortement insisté pour que cette approximation démontable soit présentée et considérée comme sa dernière oeuvre pour balayer tous les doutes.

Mais à vrai dire, il y avait aussi dès l'origine un autre mode d'existence de l'éthique chez Duchamp, une exigence pour ainsi dire fondatrice, inaugurale. En formant en toute lucidité le projet de briser à jamais les parois de la prison des peintres, puis en ouvrant dans ses oeuvres et dans les faits l'investigation picturale - la pensée spatiale humaine - à une liberté inouïe, il lui a bien fallu élaborer un mode de déplacement, une méthode d'exploration de cette liberté.
C'est une sorte de tautologie puisque d'une part, car comme l'on montré les mathématiciens, l'espace ne tient jamais qu'aux moyens qui permettent de l'explorer et qui littéralement le construisent (Cf. Henri Poincaré, "Pourquoi l'espace a trois dimensions"), mais d'autre part, l'éthique, en ce qu'elle peut avoir de fondé biologiquement, comme ensemble de règles tendant à préserver ou augmenter la Vie, peut être considérée comme une méthode d'exploration du temps.

En ce sens, l'éthique n'aura jamais fait défaut à Duchamp qu'un seul et unique instant : celui où la pendule nous arrive de profil.




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Passages

S'il peut d'abord sembler relativement aisé de passer mentalement d'espaces en espaces comme Duchamp a pu et a dû le faire, ce n'est pourtant le cas que pour autant que l'on oublie un peu hypocritement de se poser la question en quelque sorte  concrète du passage. 

Et cependant, il faut bien un jour ou l'autre se résoudre à passer pour de bon, c'est à dire à traverser sans sauter. Aussi Duchamp était tout à fait conscient de ce qu'il faisait lorsqu'il proposa un jour cette définition de l'inframince : "J'ai choisi exprès le mot mince qui est un mot humain et affectif  et non une mesure précise de laboratoire. Le bruit ou la musique faits par un pantalon de velours côtelé comme celui ci quand on le fait bouger est lié au concept d'inframince. Le creux dans le papier entre le recto et le verso d'une fine feuille... A étudier !...C'est une catégorie dont je me suis beaucoup occupé pendant ces dix dernières années. Je pense qu'au travers de l'inframince, il est possible d'aller de la seconde à la troisième dimension"

On voit les précautions épistémologiques dont s'entoure Duchamp pour se lancer dans l'aventure. Ce n'est pas tant qu'il récuse "le laboratoire", mais c'est plus simplement qu'il préfère - par honnêteté intellectuelle en somme - s'en passer.

On peut sourire peut-être des chemins qu'emprunte Duchamp pour se risquer pour ainsi dire dans les dessous de l'épaisseur, mais il reste que la question qu'il pose, dont je ne sache pas que quiconque l'ait exprimée si fortement avant lui n'est pas dénuée de sens.

Benoît Mandelbrot nous a montré que des concepts de dimensions de nature fractionnaires ou même irrationnelles n'avaient rien d'inconvenant d'un point de vue mathématique (autrement dit, par exemple, que des objets géométriques relativement usuels pouvaient validement être considérés comme étant de dimension 1/2 ou racine carrée de 2, ou pi... re.). Aussi ne serait-il peut-être pas stupide de réhabiliter l'idée d'inframince sur laquelle s'interrogeait si fort Duchamp et de rêver qu'il soit possible de construire une suite graduée de fractales de dimensions croissantes par laquelle on pourrait passer pour ainsi dire "en douceur" d'un monde bidimensionnel à un monde tridimensionnel.

D'ailleurs qui sait vraiment ce qui se trame dans l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarettes ? 




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Matta - Voir l'Invisible

Matta a cherché très tôt à (se) représenter des espaces d'un nombre de dimensions supérieur à l'espace usuel. L'une des premières approche qu'il a utilisées a consisté à employer des lignes de niveau ou des quadrillages courbés, comme Duchamp l'avait suggéré dans "Les Pistons de Courant d'Air", mais aussi comme il était d'usage dans les illustrations scientifiques de l'époque lorsqu'il s'agissait de représenter la courbure de l'espace. On trouve trace de l'emploi de cette méthode dans les oeuvres suivantes

Sans titre, 1937

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre  Pompidou en 1985 - P86

Sans titre, 1937

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 -  P86

Sans titre, 1938

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P88



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La Vision Eclatée


Presque au même moment, un autre cheminement a conduit Matta a multiplier les perspectives et les points de fuite dans ses oeuvres, les faisant ressembler aux jeux de scènes simultanées mis en oeuvre dans les représentations des Mystères du Moyen Age. De manière similaire à ce qui advient dans les vitraux des cathédrales, les différentes "scènes" des tableaux de Matta vers cette époque sont souvent séparées les unes des autres par des cernes noirs (il s'agit presque d'une convention, d'un signe). Parmi les oeuvres représentatives de cette approche figurent les suivantes:

Le Forçat de la lumière, 1937

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P84

Sans titre, 1938

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P87

Space travel (Star Travel), 1938

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P87

Morphologie psychologique, 1939

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P93

Rain, 1940-1941

Matta- Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P96

Invasion of the Night, 1941

Matta  - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P97

The Earth is a Man, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P 120



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Les Eclats de la Vision


Se trouvant tous deux aux Etats Unis pendant la seconde guerre mondiale, Matta et Duchamp déjeunent souvent ensemble. Bien qu'on n'ait pu entendre ce qu'ils ont pu se dire, il n'est pas très difficile de voir le résultat de ces conversations dans l'oeuvre de Matta.

"Les notes de Duchamp donnent idée de ce qu'il a entrevu : la quatrième dimension, et peut-être même un espace à n dimensions. Mais ces notes de La boite verte et le panneau de La mariée n'en donnent qu'une idée. La peinture de Matta tente de donner image de l'idée, elle entend malgré tout donner à voir, nouer l'abstrait et le concret. Ce serait l'alchimie de la chimie de Duchamp"

Jean Philippe Domecq Catalogue exposition Matta au Centre Pompidou 1985 - P74

On peut supposer que Duchamp se donna la peine d'expliquer à Matta les tenants et aboutissants du Grand Verre. Mais ce qui fascina d'abord le plus Matta, dans le Grand Verre, ce ne fut pas le travail de Duchamp, mais celui du hasard. En l'espèce, les lignes merveilleuses qui vinrent ennoblir et parfaire le Grand Verre lorsqu'il se brisa durant son transport le long de routes mal entretenues aux Etats Unis. Les éclats du Grand Verre et ce qu'ils suggéraient comme approche possible dans la question des dimensions se propagèrent au sein de l'oeuvre de Matta dans (au moins) les travaux suivants.

On m'écoute, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P39

The Bachelors, Twenty Years After, 1944

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P 40

Le Pendu, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P41

Membranes of Space, 1943

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P42

Composition in Magenta. The End of Everything, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P42

Redness of Lead, 1943

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P46

Locus Solus, 1941-1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P99

L'année 44, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P112

Years of Fear, 1941-1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P114

Prince of blood, 1943

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P116

La Vertu noire, 1943

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  -  P117

Eronisme, 1943

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P118

Le Vertige d'Eros, 1944

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P119

The Onyx of Electra, 1944

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P121

Les Grands Transparents, 1942

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P131

Science, conscience et patience du vitreur, 1944

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P139

X-Space and the Ego, 1945

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P141




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Les Escaliers de l'Esprit


Ayant exploité les éclats du Grand Verre avec "science, conscience et patience", Matta poursuivit sa traque au travers de volées d'escaliers jetées dans tous les sens sur la toile. Ces jeux d'escaliers apparaissent aussi dans l'oeuvre de Escher. Chez Matta, il s'agit peut-être d'un clin d'oeil de réminiscence aux "Nus descendant un escalier" de Duchamp, mais cela a pu aussi lui être suggéré par le fait que les éclats du Grand Verre, rappellent sous certains angles de vue les marches d'un escalier en colimaçon. Il se peut encore que Matta comme Escher se soit mis à la recherche de voies de passage entre des espaces de dimensions différentes, un peu comme Duchamp qui tentait de résoudre ce type de question à l'aide du concept d'inframince. De cette période des escaliers, témoignent (au moins):

Etre avec, 1945

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P143

The Ego and the I, 1946

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P144

Splitting the Ergo, 1946

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P145

Le Pélerin du doute, 1947

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P151




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Projections


Enfin, Matta se décide vers les années 1950 à attaquer le problème de l'espace à 4 dimensions de front. C'est à dire à aborder la question sous l'angle des projections. D'où une série de tableaux dans lesquels un objet assez complexe se trouve placé au centre d'un ensemble de quatre plans de projection.

Si l'on excepte

Le Temps à l'oeuvre, (date ?)

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P77

qui, lui, n'a que trois plans de projection, appartiennent visiblement à cette série :

Le Cube ouvert, 1949

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P161

Scie le désir, 1957

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P181

Etre cible nous monde, 1958

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P180

L'impencible, 1957

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P183

Défenestrer les mondes, 1958

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P187

The infancy of concentration , 1958

Et la perséverance de Matta dans son l'effort de résolution du problème nous est aimablement rappelée en 1983 par

Le Vitreur, 40 ans après, 1983

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985  - P253

Point d'appui, 1983



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Reconstruire l'Oeil


Mais pourquoi donc Matta et Duchamp ont-ils passé une part si importante de leur vie sur un problème qui après tout est peut-être insoluble et qui pris en lui même ne semble pas si important ? Duchamp qui est allé très très loin dans la question des dimensions et des perspectives s'en explique merveilleusement à sa manière dans "Etant donnés...". Matta quant à lui est beaucoup plus explicite quant à sa formulation de l'enjeu. Il s'agit et bien de révolutionner la pensée !

"Sans vision de l'oeil, toute représentation reste aveugle. Et les raisonnements qui s'ensuivent restent insuffisants, impuissants. C'est par rapport aux horizons que le verbe VOIR peut construire (servir à construire) la corrélation des perspectives et prospectives"

Matta - Catalogue de l'exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P76

"L'administration manque d'images pour administrer. Nous n'avons pas de cartes, dans le sens géographique, des morphologies du matérialisme social; de même nous n'avons ni conventions géométriques ni conventions algébriques. Parmi les disciplines traditionnelles du verbe voir, il y en a d'autres que celles que l'on appelle Optique. C'est avec ces autres disciplines que le verbe Voir pourrait élaborer une géographie sociale et pourrait voir ce que l'on ne voit pas"

Matta - Catalogue exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P78

"Il faudrait voir l'espace social, dresser une première carte des navigations sociales dans l'océan économique"

Matta - Catalogue exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P78

"Une carte du social. Montrer aux gens ce qu'ils n'ont pas l'idée de voir, ou ce qu'ils cherchent vainement à voir : leur navigation solitaire dans la communauté, dans ce paysage apparemment sans arbre, où planent en géométrie non-plane des zones de pression économiques, que strient des lignes de décisions politiques, etc..."

Matta - Catalogue exposition Matta au Centre Pompidou en 1985 - P78


Les modélisations du réel et les simulations rendues possibles par les développements de l'informatique, de l'électronique et des techniques de communications ont commencé de réaliser une petite partie du programme de Matta. Mais il reste que le point de vue de Matta comme le montrent les citations ci-dessus s'attache principalement aux aspects pour ainsi dire extérieurs de la vision, ceux qui se rapportent à la chose à voir.

Mais à proprement parler, il n'y a rien à voir. Les sciences cognitives en ce qu'elles touchent aux processus de la perception tentent d'approcher les questions liées aux aspects intérieurs  telles que les  avait aussi abordées Duchamp dès l'origine. (et dont il était assez conscient puisque, lorsqu'ayant commencé d'explorer l'art cinétique avec les Disques Optiques et les Rotoreliefs, il conclut dans Anemic Cinema qu'il suffit au fond de laisser agir le cerveau du spectateur.

Enfin, à supposer que les progrès réalisés dans les deux parties du programme de Duchamp indiquées ci dessus soient significatifs, il resterait - pour se trouver un peu à la hauteur des vues de l'art du début du XX ème siècle - à s'aventurer dans les diverses directions de plongements de l'acteur esthétique (créateur-spectateur) dans la forêt des dimensions qu'illustre l'oeuvre de Duchamp dans tant de ses aspects, du Jeune homme triste dans un train à Etant donnés... l'approximation démontable de Philadelphie. Chose dont, par le fait d'une certaine absence d'esprit, ni les idées situationistes - pourtant de quelques conséquences - ni bien sûr les expériences de "réalité virtuelle" ou les "installations" de l'art contemporain ne semblent constituer même une ébauche.



 

 

 

 

 


Notes :

...quelques liens...  
http://www.marcelduchamp.net/
http://www.freshwidow.com/duchamp-aug96.html
http://www.geekchic.com/fanatiq2.htm
http://www.franceweb.fr/zumba/Duchamp/index.html
http://www.p22.com/projects/duchamp.html
http://paris.org/Kiosque/duchamp/
http://home.sprynet.com/sprynet/mindweb/marcel.htm

...autres...
http://www.zazie.at/Revamp-Duchamp/Index.htm,
http://www.zazie.at/Revamp-Duchamp/T_TextSectionsEnglish/AA_MarchandDuSel.htm,
http://www.zazie.at/Revamp-Duchamp/T_TextSectionsEnglish/00_MarchandDuSel.htm .

...Le Domaine de la Mariée... 
i.e. la moitié supérieure du Grand Verre.

All images are links to www.matta-art.com