Point de suture

Le Sablier

Les Sciences, les Techniques, les Beaux Arts et l'Industrie que le sreprésentations actuelles nous contraignent de percevoir  comme des champs d'activité nettement séparés, pour ne pas dire cloisonnés même parfois sourdement opposés, constituaient  originellement les différentes facettes d'un même ensemble de pratiques que le Moyen Age a appelé les Arts et qui recouvrait sensiblement toutes les activités humaines hormis l'agriculture, la chasse et la cueillette.

L'étymologie comme les textes permettent de s'assurer de ce que les différents domaines des Arts n'ont guère commencé à s'individualiser avant les XVIIe et XVIIIe siècles, comme en témoigne la réalisation, sans cela incompréhensible, du vaste projet unitaire mené par Diderot et D'Alembert d'une Encyclopédie, c'est à dire, selon le sous-titre de l'ouvrage, d'un Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers.

La séparation des Beaux-Arts et de la Science qui ruina le tronc commun des Arts ne s'est trouvée consommée qu'au XIXe siècle avec la généralisation de l'industrie. Les distances n'ont pas cessé de s'accroître depuis, entre Science, Technique, Beaux-Arts et Industrie, mais aussi, de manière arborescence, au sein de chacun de ces domaines et de leurs diverses sous disciplines.

L'explication la plus commune de cette évolution, quoique généralement non consciente de son origine religieuse, reste une variante du mythe de la Tour de Babel : le développement et la spécialisation auraient entraîné une incompréhension réciproque croissante, mal regrettable sans doute mais nécessaire et dont il conviendrait de s'accommoder. 

On peut pourtant ici nourrir quelques doutes. Pas simplement parce que ce qui est supposé fonder pareille résignation est d'origine religieuse, mais plus profondément parce qu'il ne s'agit que d'une tradition  particulière, qui ne saurait valoir pour l'ensemble des traditions religieuses humaines.

De toutes manières, cet appel au mythe de Babel ne suffit pas à expliquer le mouvement plus récent de méfiance et discrédit qui est venu frapper l'un après l'autre les Beaux-Arts, les Sciences, les Techniques et l'Industrie.

Quant aux Beaux-Arts, l'ignorance et la qualité particulière de mépris dont ils sont désormais l'objet dans les milieux non seulement populaires, mais aussi marchands, techniciens et scientifiques ont commencé de s'établir dès l'époque romantique et a trouvé une sorte achèvement avec Dada dès le début du XXe siècle, il en est résulté une situation tout à l'opposé de la faveur dont jouissaient les Beaux-Arts au sein dans la Florence du Quattrocento.


Lire la suite

Point de suture - Pierre Petiot - Mars 2008

LaBelleInutile